Le risque

« Le risque est la plupart du temps vécu comme une contrainte, un défaut de la guerre, et la décision vise avant tout a en limiter l’impact possible ou prévisible sur la manœuvre. Ceci est fondamentalement un non sens. En effet le risque doit être utilisé, et donc, vécu par le chef comme une chance, à saisir ou pas. »

« La réticence à accepter le risque provient souvent d’une confusion entre les 2 notions proches de risque et de hasard. Il faut donc les différencier.
[...]On assiste parfois a des briefings ou la question essentielle des décideurs est : comment faire pour limiter le risque. Une telle attitude doit être rejetée avec force car elle est équivalente à la question : comment faire pour ne pas employer l’artillerie ? En reformulant légèrement cette question on obtient comment faire pour ne pas employer cet outil que je ne sais pas maîtriser… parce que je ne sais pas le maîtriser. [...]Disons le tout net, le risque contribue au rendement du système combattant.»

La doctrine des militaires français est donc en décalage par rapport à l’état d’esprit général de nos entreprises… Pour autant la réflexion devrait être menée, la twingo était un risque payant. La plupart des actions des entreprises sont prévisibles, aux conséquences limitées car elles peuvent être anticipées.
Prenons un bon exemple avec Apple et son iPhone, les risques étaient élevés (pas d’expérience, marché saturé, impose un changement de modèle aux acteurs du marché…), un secret bien maintenu sur les intentions a permis à Apple de prendre l’initiative sur ce marché, en gros 2 ans d’avance. Rien ne prédisposait Apple sur ce marché.

Le risque chez les militaires est un facteur qui peut être segmenté de la façon suivante :

  • Faible, c’est-à-dire que l’on fait une action qui peut être mise en échec sans conséquences particulières,
  • Significatif qui engage le succès de la mission
  • critique qui fait perdre définitivement l’initiative. Ce dernier est inacceptable en conditions normales.

Le risque étant une obligation et non une contrainte … le niveau d’acceptabilité est une question qui prend tout son sens d’autant que le risque amène a des probabilités et non a des certitudes.
L’appréciation du risque peut être faite selon des méthodes, faite par des subalternes… mais son acceptation est toujours la prérogative du chef. Le critère d’acceptabilité étant généralement la possibilité d’avoir un plan de rechange ce qui exclus les risques critiques.

«Globalement il faut se battre a son plus haut niveau de risque. [...]
Le chef timoré attentiste est aisément «lisible» à l’adversaire. A contrario, l’ennemi est toujours déstabilisé par un adversaire entreprenant, aimant le risque, sachant l’estimer et le prendre à bon escient, ne serait-ce que par l’ampleur des actions et réactions qui peuvent lui être imputées. Le chef entreprenant s’offre de lui même un éventail plus large d’options, puisqu’il ne les a pas écartées d’emblée au motif qu’elles étaient «trop risquées». Ce faisant il contraint l’adversaire à envisager des modes d’action beaucoup plus variés, et surtout beaucoup plus différenciées. »

Ces citations amènent directement sur la maîtrise du niveau de risque :

«Si aucun échelon subordonné, tout au long de la hiérarchie, n’accepte de courir le moindre risque, alors c’est le chef suprême qui devra consentir tout le risque nécessaire – transformant ainsi une partie à levée multiple en jeu déterminé par une levée unique. Un peu comme si au bridge, ou il y a 13 levées, par construction on décidait que la partie se jouerait sur la dernière levée, sans tenir aucun compte des précédentes.
[...]plus les subordonnés prennent et acceptent le risque a leur niveau et a condition qu’ils prennent a bon escient – que la résultante de tous les risques pris soit positive – moins le chef sera confronté à la nécessité de prendre de risque a son niveau. Il jouira des gains accumulés à son niveau.»

Ce qui amène sur la capacité à prendre localement des initiatives et des risques et non systématiquement remontés à la hiérarchie. Bref le contraire des règles mises en place dans les entreprises qui empêchent un DG d’une filiale d’un pays de passer une commande pour plus de quelques milliers d’euros.

Le risque ne doit pas être pris pour le plaisir du risque, il doit servir des objectifs et surtout doit être pesé mais ne pas le considéré comme une opportunité est aussi une erreur.

Il est également borné puisque le risque est évalué a chaque échelon, une brigade ne peut prendre un risque critique par rapport à l’accomplissement de la mission qui lui a été assignée.

Les entreprises se brident encore trop souvent en voulant les minimiser, en attendant que de voir si d’autres le font.

Prendre des risques ça veut aussi dire avoir des gains potentiellement supérieurs … Comme je l’ai fait remarquer sur ce blog avec les nomades et le mythe du labyrinthe, nous sommes dans une société voulant des lignes droites, du prédictible quitte a se priver de possibilités.
La crise semblant marquer l’arrivée en bout d’un certain nombre de lignes droites, il va falloir envisager de changer la manière de penser des entreprises sur le sujet.

Synthèse :

  1. le risque est inhérent au combat
  2. le risque n’a pas de valeur positive ou négative, c’est un facteur de potentiel de combat dont le chef se sert ou non. Il contribue au rendement du système combattant.
  3. on peut distinguer 3 niveaux de risque faible, significatif et critique
  4. seul le risque critique est inacceptable en tant qu’il correspond a la perte totale de l’initiative.
  5. il faut toujours combattre a son plus haut niveau de risque ,ne serait-ce que pour déstabiliser l’adversaire»

 

 

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